La grippe A dans tous ses états

Juin 2009, découverte des premiers cas de grippe A chez des élèves, on en fait la Une des journaux, comme ici dans un collège de Toulouse. Chaque nouveau cas déclaré est alors surmédiatisé. | Photo Maxppp

A peine avions-nous oublié l’existence de sa grande sœur, la grippe aviaire, que le monde entier découvre une nouvelle grippe, née dans un village mexicain elle provoque alors avec elle une véritable pandémie médiatique.

On l’a connue porcine, mexicaine, aujourd’hui A (H1N1), la nouvelle grippe a souvent changé d’appellation pour finir par mieux passer à l’antenne. A l’heure où débute la campagne de vaccination en France contre le virus, voyons comment nous sommes passés d’une période d’alarmisme à une phase propice au relativisme, à la dérision et aux thèses du complot.

La grippe A « star » des médias

Depuis son apparition en mars 2009, elle a eu le privilège de faire la une de tous les journaux, « star » des médias tout l’été, le feuilleton à rebondissements n’a pas cessé d’envahir l’espace médiatique jusqu’à l’overdose. Madame Chan, directrice générale de l’OMS, avait ses interventions publiques retransmisses en direct sur les chaînes d’information en continu, les journalistes se précipitaient à chaque cas de grippe A signalé, école ou colonie peu importe les envoyés spéciaux étaient présents, il devenait ainsi impossible de ne pas être au courant de la pandémie et même lorsqu’un célèbre journaliste de RTL a la grippe A, on en parle. Trop c’est trop, un sentiment général envahit alors l’opinion, la grippe A oui, mais à doses homéopathiques. Entre inquiétude et relativisme, l’opinion a choisi, il souffle aujourd’hui un vent de minimisation du danger lié à la grippe A. Un sondage IFOP mené les 22 et 23 octobre dernier pour Dimanche Sud Ouest indiquait que plus de 8 français sur 10 ne craignaient pas la grippe H1N1.

H1N1 pris en grippe

Il est aujourd’hui devenu à la mode, parmi les observateurs, de critiquer l’emballement des médias suscité par la pandémie de H1N1. Mais pas seulement, les blogs, réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter s’en donnent à cœur joie. Il suffit de circuler un peu sur Internet pour s’en rendre compte, en tapant « Grippe A médias » sur le moteur de recherche Google, il vous sera possible de trouver près d’un million huit cent mille résultats. « Médiatisation excessive », « Alarmisme ambiant », les critiquent fusent et Internet en ait le relais. On critique ce que l’on considère excessif mais on le moque aussi.
Sur Facebook, par exemple, plusieurs milliers d’internautes s’amusent à « refiler la grippe A » à leurs amis » grâce à une application sous forme de jeu. De Yann Barthès aux Guignols sur Canal +, on s’amuse de Roselyne Bachelot qui nous invite à jeter nos mouchoirs usagés. Sur les sites de partage de vidéos, plusieurs clips se plaisent à parodier la campagne de prévention du gouvernement. Il est devenu coutumier dans les discussions de comptoir, de se moquer du climat alarmiste qu’a produit la sphère politico-médiatique.
Oui mais voilà, le peuple a certes raison quant il s’agit de s’insurger contre la surmédiatisation d’une simple « grippette » dixit le Pr Debré, il peut également s’en moquer, mais il se fourvoierait s’il devait s’agir de nier la réalité et de tomber dans l’éternel thèse de la conspiration.

Entre paranoïa et science-fiction

Internet a beau être un merveilleux outil de communication, il n’en demeure pas moins qu’au sujet de la grippe A, on y trouve tout et surtout n’importe quoi. Pétitions contre la vaccination, groupes anti-vaccin sur Facebook, on retrouve même sur des forums des internautes assimilant le vaccin à une arme de destruction massive, il serait destiné selon eux à régler les problèmes de croissance démographique du monde… la paranoïa la plus absolue s’empare du net. Il n’y a qu’à voir cette vidéo sur Youtube intitulé sobrement « La grippe A H1N1, La vérité cachée » pour se rendre compte du délire collectif qui envahit certains communautés d’internautes. Cette vidéo, vue à plus de 50 000 reprises depuis plus d’un mois, nous explique que la grippe A n’a jamais existé et que le vaccin n’est qu’un prétexte pour stopper l’évolution neurologie naturelle de l’Homme en lui injectant des plasmides. Et le pire dans toute cette histoire, c’est qu’au vu des commentaires laissés, certains y croient. Mais relativisons, les aficionados de ces thèses restent minoritaires.
Ainsi il est aisé de dénoncer la surmédiatisation de la grippe A, mais méfions-nous des théories révisionnistes et farfelues. Ceux qui reprochent aux médias de détourner les esprits faibles et de les submerger d’informations, sont les premiers à ressortir des histoires dignes des meilleurs romans de Philip K. Dick.

Guillaume Stoll