La réforme de toutes les colères

Photo : Maury GOLINI / MAXPPP

En temps de crise sociale, les messages les plus raisonnés se perdent dans le flot populiste des slogans simplistes et des raccourcies démagogiques. La réforme des retraites, engagée par le gouvernement, à défaut d’être juste sur toute la ligne a au moins le mérite de s’atteler au sauvetage d’un système par répartition en perte d’équilibre. Alors qu’en 2020 il n’ y aura plus qu’un actif et demi pour un retraité, l’urgence d’une réforme devrait faire consensus. Travailler deux ans de plus quand on a la chance de vivre plus longtemps que nos aînés tombent sous le sens, pourtant les résistances sont fortes. Le gouvernement le sait bien, s’attaquer au symbole des 60 ans, c’est briser un acquis social, casser une conquête socialiste. La France, ce pays à la fibre révolutionnaire, n’est pas du genre à laisser l’Etat faire ses petits calculs financiers dans le dos du peuple. Aussi raisonnables soient-ils les arguments du gouvernement ne passent pas. A force de promettre et de ne pas faire, la confiance avec le politique est rompue. Et cette réforme en paye les conséquences. L’opinion, méfiante, soupçonne le pouvoir de vouloir faire payer aux salariés la note salée de la crise. Et malgré des avancées, les Français ne retiennent que le caractère injuste de la réforme pour certaines catégories de la population.

Mais la protestation, aussi légitime soit-elle, a ses limites. Voir de jeunes lycéens dans la rue, n’ayant pas encore mis un seul pied dans le monde de l’entreprise, peut prêter à sourire. Manipulation, instrumentalisation de la jeunesse, l’arme est connue, la ficelle est grosse. Accusé de sacrifier tout dialogue social avec les organisations syndicales pour faire passer en force son texte, le gouvernement n’a pourtant pas choisi le meilleur calendrier. Attendre la rentrée pour faire examiner son projet au Parlement, alors qu’il aurait pu le faire passer en catimini durant la trêve estivale, est l’assurance d’une convergence des luttes et d’un climat propice aux opposants. Mais nul doute, la réforme finira par passer. Ni gagnant ni perdant, le bras de fer renforce tous les acteurs. Nicolas Sarkozy peut s’enorgueillir d’avoir réaliser le projet le plus courageux de son quinquennat, alors que la gauche retrouve un brin d’unité en défendant jusqu’au bout le « bijou de famille » mitterrandien de la retraite à 60 ans. Quant aux syndicats, forts d’un front sans fissure,  ils ont prouvé qu’ils étaient encore capables de mobiliser leurs forces vives en réanimant leurs traditionnels bastions de résistance.

Guillaume Stoll

 

Published in: on octobre 26, 2010 at 6:07  Laissez un commentaire  

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